TOI ÉCRITE
Blason du corps de la femme.

BOURRASQUE

Le khamsin est un vent sournois du désert, torride et desséchant, qui charrie du sucre fin ocre et poisseux sur la ville et se glisse jusque sur les étagères des armoires, s'infiltre entre les pages des livres, crisse entre les dents, se dépose sur les cils, gonfle les paupières, injecte les yeux de sang. Le khamsin est un vent qui rend fou.

Elle, l'enfant prodige qui est couvée, interdite, étouffée, la voilà qui n'en peut plus et veut être accouchée du volcan qui l'anime. Son corps s'ouvre, et la coulée de lave se répand en une fièvre de dévastation. Lui, la ville-mère qui le suit, qui le hante, qui l'épie toujours, il hurle qu'il l'emmerde. Parce que la femme qu'il aime, il va se jeter sur elle. Il a froid de l'attendre, il gèle de tant la désirer. Et soudain c'en est fini de rêver. Enfin les remparts s'effondrent.

Elle le supplie de rentrer dans son con, et elle dit ce mot avec avidité, et le redit encore. Elle le guide pour qu'il soit tout en elle, plante ses ongles dans la peau de son dos. Les amants chavirent comme un seul, naufragés qui ne veulent plus se perdre, mais pourtant ils coulent. Et leur peau, oui putain, leur peau suave transpirante, cette peau unique c'est la leur. Elle sue l'excitation, le faire l'amour primitif, de la chair, de la vie, du vit, du vite fait, sans plus attendre.

Alors, dans cette danse véhémente dans laquelle ils ne se reconnaissent plus, c'est rire qu'il leur faut, rire aux éclats. Rire du pied qu'ils sont en train de prendre. Pied de nez majestueux au regard du monde entier qui voudrait les empêcher de s'aimer. Ils veulent une vengeance. Car ils ont vingt ans. À eux deux et chacun. Elle, ses vingt ans elle les aura plus tard, lui, ses vingt ans il les a eus il y a longtemps. Et eux, ils ont vingt ans d'écart. Ces vingt ans de trop qu'on va leur faire payer. Alors il n'est plus question de faire l'amour, il faut forniquer, niquer. Faire la nique à tout le monde. De rage, de revanche, de temps perdu. Et ils exultent dans ce corps à corps violent qui est le leur, dernier désespoir de leur tendresse vaincue.

Pour mieux sentir, pour mieux aimer encore ils se regardent jouir. Et dans leurs yeux qui se regardent, ce n'est plus l'autre qu'ils voient mais l'union des deux qu'ils sont en train de former. Osmose, ils n'ont plus qu'un corps, pire, ils n'ont plus rien. Ils sont à nu, dénudés, dénués parce qu'ils ne sont qu'un seul. Mais enfin retrouvés, réunis, ressoudés comme à l'origine. Oui, ils sont le seul, l'unique, l'un.

Dieu.

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