TOI ÉCRITE
Blason du corps de la femme.

BOUQUIN 01

Au Dizengoff Center Robert Lavi anime Le Foyer où l'on trouve des livres français.

Elle et lui pendant leur après-midi. Lui se rappelle l'histoire du Chinois et de l'enfant. Quelque chose de ce qu'il avait ressenti à la lecture de L'Amant et que L'Amant de la Chine du Nord a encore amplifié. Peut de nouveau le ressentir. Et cela, veut qu'elle le connaisse à son tour. Ne pas expliquer, partager. Lui achète le livre. C'est son premier cadeau.

Elle dit : - Duras, on dirait la musique de mon violon.
Elle dit aussi, plus doucement :
- Les mots avant toi, je ne savais pas que c'était aussi de la musique.
Et c'est comme si elle le regardait pour la première fois. Avec ses yeux qui le mettent à nu.
Et aussitôt elle demande :
-Tu me feras lire ce que tu écris ?
Ne répond pas. Et puis répond :
-Oui… quand tu… viendras.
Ne dit pas où, mais elle a compris dans leur temps de se comprendre à demi-mot. Pour eux, il en sera toujours ainsi, d'être dans le temps du commencement. Ils ne vivront pas assez pour avoir à se désapprendre.

Elle dit encore qu'elle ne sait même pas si elle pourra jamais venir. Elle dit chez toi. Et ces mots contiennent la privation. Ils ne pourront jamais dire chez nous.

Ils se taisent à cause de ce qu'elle vient de dire.
Lui pense que c'est trop grave si elle ne vient jamais rue Tiquetonne. À cause des murs de carrelage, des livres dans la pièce d'écriture, des peintures, de la cuisine en sapin et du long couloir en coursive qu'il traverse en criant son nom. Et puis à cause des couettes.
Lui pense qu'ils feront l'amour dans l'appartement. Pense cela, mais dit autre chose. Ne croit pas ce qu'il va lui dire, l'espère seulement.
-Si tu veux vraiment et si je veux vraiment, alors tu viendras.

Il le dit, c'est vrai, mais il sait qu'ils sont trop fragiles pour oser vouloir et que cela advienne.

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