TOI ÉCRITE
Blason du corps de la femme.

BUT BERLIN LE MUR

Dans le Livre des Exemples de Salomon, je lis, XXX, 18 : "Il est trois choses auxquelles je ne pourrai accéder…", et je réponds : "TOI TOI TOI".

AUTOMNE 1989 : les deux moitiés séparées de l'Allemagne sont en train de se réconcilier dans une folle liesse. Le mur de la connerie du monde se lézarde s'effrite puis s'effondre, sous la poussée du peuple qui trouve la force de refuser d'être plus longtemps divisé. Au pied du Mur, Rostropovitch joue du violoncelle et le Mur s'écroule, comme jadis les remparts de Yerih'o aux sonorités du schofar de Yehoshua.

Du Mur il restera des fragments vendus comme souvenirs.
Du Mur il restera des vestiges érigés en monument.
Mais du Mur il restera peu de mémoire des morts dérisoires qui ont été les vivants voulant passer sur l'autre rive.

AUTOMNE 1989 : le couple encore uni est saccagé dans une mascarade de Traviata. Les parents de la jeune fille ordonnent la rupture par un coup de téléphone. Ils disent que l'homme dérange leur fille, la déconcentre. Ils disent qu'il l'empêche de jouer du violon, elle, l'enfant prodige qui leur coûte si cher. Ils disent qu'elle est leur fille, qu'ils ont tous les droits sur elle. Ils disent qu'est-ce que c'est que cette histoire qui ne mène à rien, que cette horreur qu'il commet, ce sentiment de littérature dont il n’a, au mieux, qu’à faire un roman. Qu'il écrivaille, mais qu'il ne touche pas à leur fille. Car, de sa carrière, ils sont inquiets en priorité. De sa virginité ils sont inquiets mais n'osent pas le dire. Mais d'Elle…

Pour avoir le meilleur rôle, à elle ils ne disent rien .
Ils ordonnent qu'il se soumette. Qu'il lui fasse croire, surtout, que cela vient de lui. Ce mensonge en injonction, ils le nomment : rompre en douceur. Magnanimes, ils lui concèdent un mois pour accomplir la sentence. Et puis, dans une dernière lettre, officielle cette fois, qu'il accomplisse leur volonté. Rien ne doit échapper à leur surveillance. Diriger, ordonner, contrôler. Les lettres de l'homme ils ont pillées. Et cette lettre-là, la dernière de commande, ils la liront aussi.

Pour avoir le meilleur rôle, à elle ils ne disent rien.
Ils surveillent. Épluchent les factures détaillées du téléphone, lisent son courrier fouillent ses affaires. Parents modèles.

Pour avoir le meilleur rôle, à elle ils ne disent rien.
Lui, un séducteur d'innocence un monstre. Lui, un faune un pervers. Son crime : l'aimer. Pire que son crime : sa sincérité. Pire encore : qu'elle l'aime. Et pire encore : qu'elle se soit déclarée en premier.

Dans la certitude d'avoir à la sauver ils ont tous les droits sur elle puisqu'ils ont le droit pour eux. Pour l'appliquer, assassiner la jeune fille aimante sous le poids d'une faute qui n'existe pas. Lui faire payer le crime qu'ils inventent.

Pour avoir le meilleur rôle, à elle ils ne disent rien.
Et pour se conforter, ils en appellent au jugement des autres. Mais vous vous rendez compte, heureusement que nous sommes intervenus à temps, pour mettre de l'ordre dans l'ordure. Et ils salissent l'homme. Mais en le salissant, ils devraient savoir qu'ils la salissent aussi.

Un tel amour devait donc être gigantesque pour leur faire si peur. Ils vont lui en faire passer le goût.

La jeune fille si douce et si tendre, la voilà anéantie. D'un coup vieille, cassée, flétrie avant d'avoir pu s'épanouir. Elle n'a pas le droit d'aimer et ne l'aura jamais.

Pour avoir le meilleur rôle, à elle ils ne disent rien.

Qu'ont-ils fait pour que tu ne te sois même pas révoltée. Ils l'ont fait.

C'est pour ton BIEN.

© Pierre-Pascal FURTH all rights reserved