TOI ÉCRITE
Blason du corps de la femme.

BACK IN TEL-AVIV

Comme il y a deux ans, je suis de nouveau là. Mais avec elle dans la tête, je me soûle enfin de toi. Je peux de nouveau arpenter tes rues, je vis avec toi et mes itinéraires en solitaire deviennent maintenant les nôtres.

Ce sont trois aires, pas réellement des quartiers. Pour les distinguer les unes des autres, pour saisir leur spécificité il faut que l'oeil se familiarise. Et pour cela, il faudrait s'arrêter et vivre. C'est à peine si j'en ai le temps, du temps qui est le nôtre.

C'est en premier le cercle peu à peu élargi autour de ta rue, la rue Sheinkin dont l'extrémité mène au shouk hakarmel : vacarme, valse aromatique et remugles. Je t'y vois faire des courses, choisir des aliments, remuer des fruits que tu renifles, que tu goûtes. Je te vois, marchant dans des rues si étroites que ce sont des allées. Tu parles aux commerçants, tu croques un fruit que je voudrais défendu. Il fait très chaud, trop, pour moi qui erre en quête de toi. En attente.

C'est en second néwé tzédèk. Je cadre, je découpe, je reconstruis ce qui deviendra peintures. Je t'en parle et je sais que tu comprends. Tu regardes aussi, tu es à côté de moi. Je sais que c'est tout ce qui compte pour moi. J'ai raté toutes les photos où tu n'es pas.

C'est en troisième une traversée de la ville depuis Gordon jusqu'au sheh'ounat Florentine. Une traversée de nuit à la manière du cinématographe. Je ne vois rien d'autre que toi et je l'imprime.

Mais des lieux caressés dans le temps du pinceau, mais des craquelures de chaque mur, du crépis des façades, de la jointure des trottoirs, de la texture des asphaltes aux ornières multiples, mais des devantures de magasins, des kiosques, des perspectives, de toutes ces choses longuement intériorisées pour les rendre plus lentement encore, touche par touche, sur mes cuivres enduits, mais de cette ville savourée, léchée, voluptueusement dévorée pour l'exprimer, mais de tout cela pourtant, il ne reste que nous. Dorénavant, tu m'accompagnes. Nous allons main dans la main, amoureux clichés, ingurgitant de nouvelles images. Nous lisons la ville d'un commun regard, nous sentons la ville d'un commun accord. Enfin confondus, nous reformons le trio sans rivalité qui nous constitue. De toi, d'elle, je ne veux plus me désenlacer. Vous êtes mon amour impasse et sans issue.

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