TOI ÉCRITE
Blason du corps de la femme.

BEWARE 01

La demoiselle est douce dans toute sa longueur d'insecte, avec de grandes pattes très fines et délicates qui savent étreindre très amoureusement. Éphémère, très jeune femme charmeuse, voletant au pourtour d'une piscine, la demoiselle frileuse s'enveloppe d'une pluie fine et odorante de parfum Montana, et de dessous chics de dentelle avec lesquels elle couvre la découpe plus claire de son maillot deux-pièces.

Silencieuse dans l'amour, elle garde les yeux ouverts et regarde le plaisir de l'homme. Parfois elle dit des mots. À cause du silence qui les précède, à cause du silence qui les suit, chaque mot est d'importance. Elle parle d'elle, de son corps. Elle dit : "vulve". Et le mot, à lui seul, devient excitant comme la cicatrice de sa naissance qui est si fine : fissure légère au velours de son giron. Et la corolle de ses lèvres écartées en pétales larges et savoureux.

Quand l'homme promène ses lèvres sur son corps, quand il la lèche, quand il suce son clitoris, elle ne dit rien. Elle ne sait pas encore se laisser aller à son plaisir ? Elle n'ose pas ? Mais un frisson la parcourt parfois, qui part de l'oreille et fait frémir sa cuisse, comme on le voit aussi sur la cuisse des pouliches.

L'homme la savoure dans l'instant, empli de leur rencontre fugitive. Car le temps qui est le leur est encore un cadeau volé.

Il ne peut pas la pénétrer. À cause d'une intervention chirurgicale trop proche encore. Aussi son plaisir lui est encore inconnu. Il l'attend.

Ils se sont parlé parfois, qui est toujours peu ou trop. Ils se sont promenés dans la ville, enlacés devant la porte de l'hôtel où elle allait passer la nuit. Ils ont connu dans la rue la première tendresse de leurs lèvres jointes, et sur son lit les premières saveurs de leur peau mise à nu. Ils ont joué aux amants clandestins.

Ils se sont retrouvés après s'être promis le jeudi de la semaine suivante. Le jeudi est devenu leur jour d'amour naissant. Elle lui donne son nom : l'amant du jeudi. Quel honneur pour lui ! Elle était en partance, comme toujours. Il a décidé de connaître la joie de l'attendre, et de la désirer. Leurs yeux se sont quittés derrière la vitre du taxi qui l'emportait à l'aéroport. Ses doigts lui ont adressé un adieu depuis ses lèvres.

Il attend qu'elle lui écrive.

Revenue, repartie.
Elle appartient dorénavant à l'attente.

Demoiselle : plus tard c'est ta patte féminine qui m'introduit au lieu de ton intime, là même où tu désespérais de me sentir, il y a un instant encore, et ton soupir vient me remercier de ne pas avoir tardé.

LA LIBELLULE AU BORD DU BAIN

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