TOI ÉCRITE
Blason du corps de la femme.

BALSAMIER 4

J'ai tenté de préserver l'odeur de ma demoiselle -ce mélange unique de toi et de ton parfum- sans évidemment y parvenir. Je suis en manque. J'entre chez un parfumeur. Je m'empare d'un papier-test, je prends le flacon de Montana. Je veux te retrouver, là, de suite. Je presse sur le flacon, le parfum imprègne le papier, mais au sortir du vaporisateur, il est violent agressif inconnu.

J'agite le papier-test, tu tentes de t'envoler et te retrouves enchâssée dans le tome III d'À la recherche du temps perdu de la collection de la Pléiade que je suis en train de lire. C'est toi La Prisonnière , La Fugitive, Le Temps retrouvé. Le parfum dort maintenant. Avec l'odeur du papier et de l'encre, vous devenez cocktail. Te réveiller en aérant les pages.

Une odeur de moisi s'échappe du volume, séquelle d'un séjour dans une cave un sous-sol une maison humide. C'est un mélange déplaisant, à la première inspiration. Mais ce mélange me demande de te chercher, de faire le tri pour te retrouver. J'évacue ce qui n'est pas de toi.

Plus tard, j'ouvre encore le livre dans un taxi. Le papier réchauffé par le soleil qui traverse la vitre, te fait renaître évanescente. Je ferme les yeux pour te voir danser.

Avec le temps pourtant le parfum s'estompe. Il t'évoque encore dans ta discrétion, et dans ta disparition. À la fin je dois le chercher. Je mets mon nez tout contre les pages du livre.

Tu es encore toute la tendresse du monde. Ma peau.

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