TOI ÉCRITE
Blason du corps de la femme.

BEN GOURION

Doïvid Gryn est son nom d'avant. En 1973 l'aéroport de Lod prend le nom de l'homme à la chevelure de lion qui vient de mourir.

Dans la salle des pas perdus, sur le panneau indicateur, le vol pour Paris est annoncé avec sept heures de retard. L'homme de l'histoire est prêt à partir, ses bagages sont enregistrés. Sept heures à attendre, sur le même sol que toi et sans toi, c'est trop de vie gâchée. Et ne pas te voir serait un sacrilège. Mais déjà, tout est compliqué : vous êtes dans la clandestinité.

Comment trouver un prétexte pour te rejoindre. Justifier son retour dans la ville, dans ta rue, dans ta maison. Mentir pour y parvenir.

Il t'appelle au téléphone, ta voix est engourdie. Tu le pensais parti et tu t'étais réfugiée dans le sommeil avec lui. Il était déjà si loin et le voilà si proche, tu es perdue. Il dit : "Entendre ta voix seulement, mon amour." Et toi : "Je veux te voir, même une seconde, mais te voir encore". Et lui : "Je veux t'offrir chaque seconde qui peut encore être à nous, je n'ai plus de scrupules. Je donne n'importe quoi pour un seul tout petit instant avec toi. Et du reste je me fous."

Il se précipite vers toi. Chaque minute de retard est une spoliation. Dans Tel-Aviv le taxi est constamment arrêté par la circulation.

Il houspille le chauffeur qui klaxonne. Tu l'attends, il tarde. Et c'est révoltant ce temps qui vous est refusé. Et vous hurlez l'un vers l'autre, deux qui se veulent si fort et désespèrent à se rejoindre.

Ils sont au-delà du désir.

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