TOI ÉCRITE
Blason du corps de la femme.

BERÉCHIT

Au commencement, il a suffi que tu le regardes. Il n'était alors que solitude et chaos. L'éclatement et la confusion couvraient ses faces, et ton souffle se répandit sur ce chaos. Tu dis simplement : que notre amour soit, et votre amour fut. Tu considéras que votre amour était digne et tu instauras une distinction entre votre amour et le chaos. Tu nommas lumière votre amour, et le chaos tu le nommas nuit. Le soir se fit, le matin se fit. Jour premier.

Et puis tu dis : qu'un espace s'étende au milieu de notre amour et qu'il s'érige en rempart entre mon amour et ton amour. Et tu édifias cet espace. Tu accomplis la séparation entre mon amour et ton amour, et cela demeura ainsi. Tu nommas cet espace l'intimité de chacun. Le soir se fit, le matin se fit. Jour deuxième.

Alors tu dis : que tes morceaux éclatés se réunissent en un seul point et qu'une charpente apparaisse. Cela s'accomplit. Et tu nommas cette réunion de ses os : son être, et tu nommas la réunion de tes os : mon être. Et tu considéras que cela était digne.

Tu dis encore : que ton être produise de la semence, chaque partie sa propre semence sur mon être. Et cela s'accomplit. Son être donna naissance à un corps-accord : langues, lèvres, mains, sexes. Et tu considéras que cela était digne. Le soir se fit, le matin se fit. Jour troisième.

Tu dis ensuite : que tes yeux s'ouvrent sur notre corps-accord pour voir la différence entre mon être et ton être, pour distinguer les jours, les mois et les années. Et nos êtres serviront de luminaires, dans l'espace de l'intimité de chacun, pour éclairer mon visage. Et cela s'accomplit. Tu lui fis des yeux pour te regarder, le jour et la nuit, tu les plaças sur son visage pour qu'ils rayonnent de toi, pour qu'ils puissent discerner son chaos de votre lumière, et tu considéras que cela était digne. Le soir se fit, le matin se fit. Jour quatrième.

Tu dis également : que tes os fourmillent d'une multitude animée, vivante, que des muscles entourent tes os pour que tu puisses me prendre et que des nerfs s'étendent à travers l'espace, par tes yeux, ouvert. Tu créas chacun de ses muscles pour qu'il réponde à chacun des tiens et tu considéras que cela était digne. Tu rendis grâce en disant : muscles fructifiez multipliez-vous et entourez les os, nerfs fructifiez multipliez et répandez-vous dans notre corps-à-corps. Le soir se fit, le matin se fit. Jour cinquième.

Tu dis aussi : que de la chair entoure muscles et nerfs selon leur espèce, chaque muscle sur chaque os selon son espèce, de même chaque nerf avec chaque muscle selon son espèce. Et cela s'accomplit. Tu formas la chair de son visage, la chair de ses mains, la chair de son ventre et la chair de son sexe. Et tu considéras que cela était digne.

Tu dis finalement : faisons l'amour à notre image. À notre réplique, faisons l'amour, et qu'il domine notre vie à tous les deux. Tu créas "l'amour à votre image", c'est à ton image que tu le créas. Mâle et femelle tu le créas à la fois. Tu rendis grâce en disant : aimons-nous, remplis-moi, soumets-toi, commande-moi. Et sur l'amour à votre image, le soir se fit puis le matin se fit. Le jour sixième.

Ainsi furent fiancés nos corps et nos coeurs avec tout ce qu'ils renferment. Tu mis fin le septième jour à ma longue errance, en m'arrêtant à tes côtés. De ce Rien que j'étais tu as façonné un homme, et dans mes narines tu as soufflé ton haleine. Tu as ajouté simplement ces mots : je t'aime, et tu m'as fait vivant. Alors, tu as pu te reposer, et moi, j'ai pu reposer à côté de toi.
Le soir se fit, le matin se fit.

Enfin la vie.

TOHU-BOHU

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